Pourquoi et comment mesurer les capacités physiques d’un surfeur ? Réponse du Docteur Paul Sanchez, surfeur, médecin attaché à la Médecine du Sport.
"Depuis les années 90, la conception du surf de haut niveau s’est sensiblement modifiée. Il est entré dans une nouvelle ère où les surfeurs sont de véritables athlètes coachés, entraînés, surveillés comme des pilotes de Formule 1. Le surf est toujours un art, mais pratiqué par des sportifs…très professionnels.
En France on s’y met aussi : les petits jeunes du Pôle France bénéficient d’un suivi physiologique et médical attentif réalisé par des spécialistes de la Médecine du Sport.
Note de Surf Prévention : les surfeurs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ont l’obligation de se soumettre à un suivi médical annuel.
Introduction
Tout effort musculaire implique la consommation par le muscle de substrats énergétiques produits à partir de la dégradation des nutriments ingérés.
- Pour un effort longue durée, telle que la rame pour passer la barre et rejoindre le pic, le muscle utilise une production énergétique stable, longue durée : la voie aérobie, consommatrice d’oxygène et donc nécessitant une augmentation du rythme cardiaque et de la fréquence respiratoire.
- Pour un effort éclatant, bref, et très intense, par exemple lorsque le surfeur assis au line up voit le set rentrer et rame très rapidement pour attraper la vague, le système cardio-respiratoire n’a pas le temps de s’adapter. Le muscle utilise alors une voie énergétique instantanément productive mais très rapidement épuisable, et pourvoyeuse de lactates, donc de crampes et d’acidose : la voie anaérobie, non dépendante d’oxygène.
Les épreuves d’efforts visent à mesurer les capacités de production énergétique du sportif dans ces 2 voies : aérobie et anaérobie.
La voie aérobie :
Le sportif court sur un tapis roulant ou pédale sur une bicyclette. La vitesse imposée augmente progressivement par pallier, imposant donc au patient une production d’énergie croissante. Un électrocardiogramme enregistre l’adaptation cardiaque à l’effort. Le sportif inspire et expire à travers un masque relié à une machine analysant la composition de ces gaz, permettant donc de calculer instantanément la quantité d’oxygène consommée et de dioxyde de carbone produite, reflétant l’adaptation respiratoire.
Plus la vitesse du tapis augmente, plus la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, l’extraction d’oxygène de l’air augmentent, pour amener le plus d’oxygène à la cellule et donc permettre la production énergétique.
Plus un individu peut consommer de l’oxygène (la VO2 Max), plus il peut produire de l’énergie, et donc courir ou ramer vite et longtemps
Si le tapis accélère encore, dépassant la VO2 Max de l’individu (VMA Vitesse Maximale Aérobie), la carence énergétique aérobie est compensée par une production anaérobie qui va rapidement mener à la production de lactates, et donc de crampes stoppant net le sportif.
L’entraînement a pour but d’augmenter les capacités aérobies du sportif : travail en endurance « fondamentale » à 70% de la Fréquence Cardiaque Maximale (FC Max) atteinte lors de l’épreuve d’effort, ou en endurance « active » à 70-80% de la FC Max en fractionné.
Cette épreuve peut aussi être réalisée à l’aide d’un ergocycle (vélo) à bras qui nécessite de produire un effort proche de la rame.
La voie anaérobie :
Là c’est beaucoup plus simple. Le sportif est sur un rameur sans aucun appareil de mesure. On mesure la distance maximale parcourue en 30 secondes. Le patient donne tout ce qu’il a et finit avec des crampes partout…
Tout ceci est converti en Watts et permet d’évaluer « l’explosivité » du patient, sa capacité à produire un maximum d’énergie en 30 secondes, sans sollicitation du système cardio-respiratoire.
Conclusion
Programmes d’entraînement, surveillance des paramètres physiologiques, anthropométrie pour toujours plus de performances…
Par contre on ne sait pas mesurer certains paramètres fondamentaux dans le surf : le courage, la volonté, le talent, le style…"
Notes de Surf Prévention : le test de détente verticale sur tapis de Bosco permet d'apprécier la puissance des membres inférieurs nécessaire pour réussir des manœuvres explosives dans les portions les plus critiques des vagues comme l’exigent les critères de jugement actuel du surf professionnel.
Paul Sanchez est un surfeur biarrot qui vient d'obtenir sa spécialité en Médecine Générale. Il a fait fonction d'assistant à la Médecine du Sport au Centre Hospitalier de la Côte Basque sous la houlette du Docteur Jean-Pierre Mathieu jusqu'en Septembre 2008.
Propos recueillis par Surf Prévention. Interview mise en ligne le 1er Septembre 2008.