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LE PORTRAIT D'UN SURFEUR ATTEINT DE SCLÉROSE EN PLAQUES.

En 1991, Robert « Wingnut » Weaver a 26 ans et sort de l’université californienne de Santa Cruz avec un diplôme d’économie en poche. 

Mais Robert est avant tout un surfeur, ou plus exactement un longboardeur, à une époque où la grande planche est considérée comme « has been ». 

Il n’a cure de ces effets de mode car pour lui, peu importe la taille de la planche, pourvu qu’on surfe avec le sourire. 

Il pense néanmoins qu’à chaque type de planche correspond un style de surf, qu’il compare aux genres musicaux : le rock’n’roll pour le shortboard et le classique pour le longboard.

C’est justement un style classique que développe Wingnut dans la tradition des sixties et de ses illustres aînés comme Robert August et Mike Hynson. 

Sur la vague, il glisse avec fluidité, élégance et précision. Il se balade sur son longboard et aime bien laisser dépasser ses orteils du nose quand il est en « hang ten ».

Même s’il est un des tous meilleurs et qu’il gagne régulièrement des compétitions entre Malibu et Oceanside, il a du mal à joindre les deux bouts. La discipline n’est pas très lucrative et ce ne sont pas les quelques planches et combinaisons glanées çà et là qui vont lui permettre de payer les factures. Il devient serveur dans un restaurant en attendant de trouver un job qui lui convienne mieux.

Le 14 janvier 1992, la chance est au bout du combiné quand Bruce Brown l’appelle pour lui proposer un rôle dans la suite du film mythique Endless Summer. Il accompagnera le surfeur blondinet Pat O’Connell en quête de vagues autour du monde. Costa Rica, France, Hawaii, Afrique du Sud, Fidji, Alaska, sont quelques-unes des destinations où le tournage les conduira. Ce faisant, Wingnut marchera dans les traces de ses idoles et accèdera à la notoriété internationale après que le film eut connu le succès.

Il surfe sur la spirale de la réussite, signe un contrat avec la marque O’Neill, et devient un ambassadeur du surf. Il s’engage également avec la compagnie de voyage « Go with a pro » qui donne l’opportunité à ses riches clients de partir dans des endroits exotiques avec leur champion préféré pour guide. Il est également devenu directeur du marketing de la marque de planches innovantes Surftech. Ces activités lui permettent de partir en trip régulièrement et de vivre de sa passion comme il en avait toujours rêvé.

En 1997, il se met à ressentir des vertiges et tombe sans raison apparente dans un couloir. Il se fait hospitaliser et après plusieurs examens, le diagnostic tombe : Wingnut est atteint de sclérose en plaques.

Cette maladie est l’affection neurologique chronique la plus fréquente chez l’adulte jeune. Elle se manifeste généralement vers 30 ans. C’est une pathologie de cause inconnue qui touche le système nerveux central en altérant l’enveloppe des fibres nerveuses, ce qui perturbe la transmission des influx nerveux. Les symptômes sont polymorphes et varient d’une personne à l’autre. Ils se manifestent souvent au cours de poussées entrecoupées de périodes pendant lesquelles le patient se sent bien. Les premières manifestations peuvent être des troubles de la vision d’un œil, des troubles de la sensibilité comme des fourmillements ou un engourdissement,…

Robert, lui a ressenti des troubles de la marche, des pertes d’équilibre et un manque de coordination. L’ironie du sort a voulu que les aptitudes indispensables à un longboardeur soient altérées par la maladie. Au cours d’une poussée, il s’est même retrouvé incapable de rester debout sur sa planche.

Il a appris à vivre avec sa sclérose en plaques et à relativiser beaucoup de choses. Avec cette maladie imprévisible, on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Plusieurs années peuvent séparer deux poussées mais l’évolution peut aussi se faire de façon progressive vers le handicap. Il existe des médicaments pour récupérer plus rapidement des poussées ou qui ralentissent l’évolution de la maladie.

La maladie de Wingnut semble le laisser tranquille ces dernières années. En tous cas, elle ne l’a pas empêché de participer en juillet 2006 à une compétition originale inspirée par le regretté Miki Dora. Les règles imposaient aux participants de surfer sur des planches shapées par eux-mêmes avec des matériaux biodégradables et interdisaient les combinaisons, les leashs, les logos… et même les juges ! Le but était de surfer les plus longues vagues et de retrouver l’esprit perdu du surf. Wingnut, maintenant quadragénaire, s’est ainsi retrouvé à surfer Jeffrey’s Bay en maillot, sur un single fin en balsa, avec la virtuosité qu’on lui connaît. 



Portrait paru dans la première version du Surfers' Survival Guide publiée en 2007.